Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/04/2011

CONCOURS DE POESIE: LES RESULTATS

 

Nous avions lancé un concours de poésie sur le thème du Printemps des Poètes 2011: " Infinis Paysages". Les résultats ont été dévoilés lors d'Equivoxes le samedi 19 mars et les textes des lauréats lus:

P1020707.jpg-Catégorie 10-15 ans: Maureen LASSAY, Concarneau qui a gagné l'anthologie " 1000 ans de Poésie" aux Editions Milan.

- Catégorie 15-20 ans: Marie SOURD , Fouesnant, qui a gagné l'anthologie " 80 poèmes autour du monde" de Yvon Le Men

- Catégorie + de 20 ans: Jean-Marc PINSON , Quimper,  qui a gagné des livres des auteurs invités d'Equivoxes , dédicacés.

 

 

Les poèmes lauréats:

 

L’eau claire

 

La mer claire

Les minis-vagues claires

Et le maillot bleu-clair

 

Bruit de la mer

 

L’écho de la mer

Claquements aux rochers

Mouettes et goëlands survolent

 

L’air , le temps

 

Sous la pluie fine

L’air frais marin

Les rochers enveloppés de mousse

 

Le fond de la mer

 

Dans la mer profonde

Les poissons enchantés

Se faufilent entre les algues

 

 

Maureen Lassay

 

 

*

 

 

Imaginons

 

J’habite là-haut, un sommet

sur un coin de montagnes

tout est calme

On y entend juste les chants du pays

des chants festifs

Là-haut, là où j’habite

il y a un pré

sous le sommet du Granier

un pré de neige brillant au soleil

 

 

Eté comme hiver

Gagner ou perdre

quelle importance 

 

 

Ici le ciel nous regarde

Foncé comme clair

par plusieurs couleurs divisé

Tout y est

 

Et puis il y a la mer

Ce matin au lever du soleil

elle était différente

le soleil se reflétait en elle

avec le même rouge que celui

du marin pêcheur

Rouge de marée d’équinoxe

 

Avec ou sans amour

ici tout est immense

 

 

Comme mon espérance

je voudrais que ce qui ne dure

qu’une seconde

reste figé à jamais

 

  Marie Sourd

*

 

 A PERTE DE VUE

 

En mon fjord intérieur, je contemple le vide que tu laisses

La nuit sans fin a hissé le voile noir sur tes yeux

Au pays de l’absence, plus rien n’a de sens , tout me blesse

De parcourir le monde de ton silence , j’étais à mille lieux

 

A perte de vue

Dans le désert, je suis les regs de mes souvenirs bègues

A perte de vue

Sur les dunes, les tamaris dansent avec le vent espiègle

A perte de vue

Ce nouveau continent me glace

La dérive des sentiments m’enlace

 

Ta lacune est un atoll qui s’étiole sur ma langue

 

J’ai le sédiment que je n’aurai plus d’alluvions

 

Au loin

J’ai tendu mes toundras

Au loin

J’ai étiré mes deltas

De nous deux, tu étais le plus grand détroit

 

Au -delà

Des océans trop vastes sans toi

Au delà

Des montagnes trop hautes pour moi

Les mouettes poursuivent leur ronde en riant avec fracas

 

A présent

Il me faut gagner la paix en Bolivie

Ramer à travers les méandres de l’Amazonie

Arpenter l’étendue des steppes mongoles

M’échouer sur le sable fin de la Punta del Sol

 

Face à ce qui se dérobe , mes nuits remuent, je n’attends plus de misérables miracles

 

Devant ces étendues sans borne, ces abîmes insondables

Il me faut poursuivre mon chemin sans ta main

Devant le paysage de ma désolation, ton mutisme intarissable

Il me faut avancer pas à pas et penser à demain

 

Tu disais : « l’asthme est  un isthme en mer »

Est-ce pour cela que j’ai l’air marin ,père ?

 

 

 

                                                  Jean-Marc Pinson

 

 

 

 

 

02/04/2011

Le dernier roman de Kossi Efoui

 

 

Kossi Efoui.png

 

L'ombre des choses à venir

Kossi Efoui

livre K. Efoui.jpg

 

Le dernier roman de Kossi Efoui s'ouvre en exergue sur une citation d'Imre Kertész qui annonce le propos : « Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie. » Si la parole est implacable et lucide, elle n'est pas désespérante : c'est une parole de vivant.

Vivant l'orateur que les ombres grignotent dès la première ligne. « Les ombres ont rapidement pris la place des murs. Le plafond, mité par les ténèbres, est le couvercle d'un trou. » Et c'est de ce trou que va sortir la voix de l'orateur, seul dans une pièce-cellule, et qui attend le signal qui lui permettra de s'échapper de cette vie-ci et de prendre la fuite : un saut dans le vide.

Dans ce roman remarquablement construit et maîtrisé, l'orateur d'une vingtaine d'années, recolle sous forme de chemin de croix en douze stations (premièrement, deuxième... douzièmement) les morceaux d'une vie brisée, lacunaire, effacée par un inexorable système : enfant, des temps d'Annexion l'ont privé d'un père saxophoniste déporté dans la Plantation, « momentanément éloigné ». Il a alors cinq ans. Sa mère, détruite par cette disparition, disparaît à son tour dans une maison de repos. Puis, au temps d'Annexion et de Dispersion succèdent ceux de la Renaissance. Le père rentre, méconnaissable, privé de sa voix, privé de son instrument de musique et ne parlera plus jamais sinon pour gazouiller la langue des oiseaux. Ikko, «l'enfant de mille personnes » devenu administrativement le frère de l'orateur, ébranlé par l'Épreuve de la Frontière, disparaît lui aussi dans un établissement spécialisé dans la récupération des plus faibles où il n'écrit plus que des signes d'oiseaux, seule écriture qui puisse survoler le langage de bois d'un système verrouillé. L'orateur, étudiant prodige de l'institution Fer de Lance d'un état providence, sait que ce silence organisé est un masque lourd, lui dont la face sur la seule photo qu'il a de lui et son père est le visage en creux d'un masque retourné.

Nous pourrions croire qu'il s'agit de folie : folle la mère, fou le père mutique, fou Ikko et ses écritures volatiles, mais il s'agit surtout de voix confisquées et de la nécessité d'en réinventer une autre face à la tyrannie tranquille imposée par la collectivité. Ce sera une langue d'oiseau : oiseau, la mère « demandant à sortir de sa nature humaine par une opération chirurgicale qui la transformerait en oiseau », oiseau le gazouillis émis par le père au retour de  la Plantation , oiseau l'écriture calligraphique d'un autre ciel d'Ikko qui confie à l'orateur : « Cette case n'est pas de ce monde, mais je suis ravi de partager le voisinage. » Et la dimension tragique du roman prend toute son ampleur car voler de ses propres ailes comporte un risque : les eaux autrefois de quartz et de clair phosphore sont devenues glaise et boue. Gomme noire. Et l'oiseau peut se retrouver si il n'y prend garde, englué dans une gangue de boue qui peu à peu bouchera ses pores et comprimera son souffle jusqu'à la mort.

La question du roman est celle d'un choix : celui de la lucidité. En leitmotiv, en cercles concentriques revient le tranchant du regard scalpel de l'orateur qui, habitué par le silence d'un père mutique à traquer le sens, a appris à lire les arrière-pensées dans le moindre pli du visage. Notamment celui de son mentor officiel qui lui apprend si bien à penser dans le mensonge bienveillant généralisé « il ne faut pas désespérer, Faut faire jouer la loi, sûr qu'il y a un moyen de faire jouer la loi », qui lui apprend à faire taire ses mots personnels « un lapsus sans conséquence, mais quand même, le mot guerre, quand même », à faire taire par médicamentation les cauchemars de ses nuits, toutes ses insomnies vomitives où la réalité de son existence ne se digère plus. Mais l'orateur ne s'abuse plus et comprend qu'il doit boire jusqu'à la lie « Bois tout ça. Ça fait cracher l'amertume. »

Heureusement, il y a les faces amies : Maman Maïs et sa phrase talisman « Personne n'est à l'abri d'un miracle » qui recueille le narrateur momentanément orphelin alors que tout semble le déserter, Axis Kémal le libraire des Livres Anciens aux multiples ressources et ses garçons à hauts talons et aux yeux peints qui se donnent des noms de filles, le jeune homme de la Confrérie sans Nom, un va-nus-pieds pour qui la question « n'est pas de vivre comme si on allait mourir demain mais de vivre comme si on était déjà mort. Et tout devient possible », les hommes-crocodiles qui ont marié leur odeur d'humain à celle des prédateurs et bravent les barrières de la mer... Tous ces visages amis recomposent le passé évidé de l'orateur et lui redonne chair, chaleur et souffle, et l'élan nécessaire qui lui permet d'oser ce saut dans le vide.

Roman de la dignité de l'homme, de son humilité magnifique et dérisoire, de son essentielle résistance qui est de dire quand tout autour oblitère le langage et de faire jaillir la parole de vie du couvercle d'un trou. Magnifique.

 

Florence R.

 

L'ombre de choses à venir, ed du seuil, février 2011

 

A signaler: Kossi est l'invité de A voix nue du lundi 4 Avril au 8 avril sur France Culture de 20h à 20h30

19:07 Publié dans écrivains | Lien permanent | Commentaires (1)